Équité en foresterie urbaine : faire face aux défis environnementaux en ville

Vous connaissez certainement le terme « jungle de béton », une expression qui pouvait autrefois sembler contradictoire, mais qui dépeint aujourd’hui la réalité de notre quotidien en ville partout dans le monde. Vivre dans des jungles de béton a de lourdes conséquences pour notre santé physique et mentale et pour l’environnement. C’est pourquoi les urbanistes se tournent de plus en plus vers la foresterie urbaine pour rétablir le lien des citadins et des citadines avec la nature. Cependant, le besoin pressant d’améliorer les espaces verts soulève des discussions liées à l’équité sociale et écologique.

Il est primordial de prendre en compte les questions d’équité en matière d’aménagement forestier urbain pour s’assurer que les bienfaits des espaces verts profitent à tout le monde. S’attaquer aux problèmes d’équité peut favoriser le bien-être de la population, promouvoir l’inclusion sociale et contribuer de façon importante à la résilience climatique. Toutefois, pour atteindre ces objectifs, il faut une participation active des gouvernements et des spécialistes du secteur pour repérer et combler les disparités systémiques et historiques. Cela exige de mettre au point des outils et des stratégies pour créer des environnements urbains durables, sains et inclusifs au service de l’ensemble de la population.

En collaboration avec l’Institut forestier du Canada, Arbres Canada a organisé une série de conférences en ligne élaborée par Adrina C. Bardekjian, Ph. D., directrice, Recherche et engagement d’Arbres Canada et intitulée Equity and Urban Forests in Canada (conférences en anglais seulement). Cette série plonge à la croisée de la foresterie urbaine et de l’équité. Elle explore les défis et les possibilités qui se présentent dans le cadre de nos tentatives visant à restaurer l’équilibre de nos villes. Ce billet de blogue fait état des principaux constats qui sont ressortis des discussions dans cette série de quatre conférences.

Verdir avec soin

Lorien Nesbitt, Ph. D., de la Faculté de foresterie de l’Université de la Colombie-Britannique, a inauguré la série en éclaircissant la complexité de la gentrification verte dans deux grands centres métropolitains canadiens. Souvent considéré comme une initiative positive, le verdissement urbain peut malencontreusement contribuer aux disparités sociales et économiques. Les spécialistes de la foresterie urbaine ont conscience de ces potentielles conséquences, mais comprendre et repérer ces résultats demeure difficile.

Le message est clair : s’attaquer à la gentrification verte exige une approche systémique basée sur l’équité. Cela passe par la prise en compte des besoins d’équité au niveau des systèmes municipaux et régionaux, par la coordination des ministères et des organisations, par la mobilisation des principales parties prenantes et par l’exploration des ressources et des partenariats, existants ou nouveaux, pour promouvoir des solutions durables et équitables.

Verdir avec intention

Durant la deuxième conférence en ligne, Rachel Buxton, Ph. D., de l’Université Carleton a présenté sa recherche sur l’identification des lacunes des connaissances indispensables pour la mise en œuvre de solutions équitables et concrètes basées sur la nature dans les villes. Plus de 70 % de la population canadienne vit en zone urbaine, la répartition des espaces verts est donc cruciale pour encourager un lien avec la nature. S’appuyant sur plus de 20 spécialistes interdisciplinaires, la recherche de Rachel Buxton a relevé 33 domaines prioritaires présentant des lacunes de connaissances et 4 principes directeurs. Ces principes préconisent un changement socioculturel mêlant les savoirs autochtones, l’urgence d’agir et une approche holistique de la recherche. Les lacunes repérées se concentrent sur la justice sociale et soulignent le besoin de suivre les résultats, de diversifier les méthodologies, d’explorer les liens et les compromis, et d’améliorer l’éducation et la communication. La chercheuse et son équipe insistent sur la nécessité d’un changement culturel pour adopter des solutions basées sur la nature. Les solutions de foresterie urbaine efficaces doivent miser sur l’établissement des relations, le respect des différentes perspectives et l’adaptation continue selon les expériences et les apprentissages partagés.

Le Conte de deux cités : Mississauga et Winnipeg

Présentées par des forestiers urbains de Mississauga (Ont.) et Winnipeg (Man.), les deux dernières conférences se concentraient davantage sur des aspects pratiques.

Amory Ngan, gestionnaire en foresterie de la Ville de Mississauga, a mis en évidence les défis liés à l’entretien et au développement du couvert forestier face à une rapide croissance de la population et aux nouveaux aménagements urbains.

Plaque tournante du transport, Mississauga dispose d’une vaste zone industrielle. En 2014, la Ville a mis en œuvre une stratégie sur le patrimoine naturel et la forêt urbaine ainsi qu’un plan de gestion de la forêt urbaine. Ces plans entendent encadrer la gestion du système de patrimoine naturel et de forêt urbaine des 20 prochaines années. Amory Ngan a mis l’accent sur le fait que, même si les changements dans l’utilisation des sols et les politiques provinciales/régionales continuent de guider le verdissement urbain, l’adoption d’une approche plus exhaustive est essentielle pour rendre la foresterie urbaine plus équitable. Cela peut comprendre l’évaluation de l’intersection entre forêt urbaine et équité, en prenant en compte des facteurs comme l’intégrité écologique, la répartition équitable au-delà des arbres, et la promotion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion au sein du milieu de la foresterie urbaine.

Comme Mississauga, la Ville de Winnipeg, qui était autrefois une vaste étendue de prairies, a rencontré des défis similaires à mesure que la densité de sa population a augmenté et a dû faire face à des difficultés en matière de verdissement urbain en raison de la modernisation constante des infrastructures. Martha Barwinsky, forestière municipale à Winnipeg a évoqué les efforts de plantation d’arbres de la ville qui ont débuté dans les années 1900 et qui ont depuis toujours été vivement soutenus par la population. En réponse aux changements climatiques et à l’effet d’îlot de chaleur urbain, la Ville de Winnipeg a mené une recherche exhaustive afin d’élaborer une stratégie de foresterie urbaine sur 20 ans donnant la priorité à l’équité.

Le cadre de la stratégie de foresterie urbaine de Winnipeg, actuellement en attente d’approbation du conseil, expose cinq objectifs stratégiques et huit cibles. Ces objectifs englobent la planification, la plantation, la gestion, la protection et les partenariats. Les principales cibles au sein du cadre sont liées à la mobilisation du public, à l’accroissement du couvert forestier et à la mise en place de mesures incitatives pour les plantations d’arbres privés. Le cadre met en particulier l’accent sur les plantations dans les quartiers qui en ont le plus besoin et encourage les partenariats avec les communautés locales et les gouvernements autochtones en tant qu’éléments essentiels de sa stratégie.

L’avenir de l’équité en foresterie urbaine

Cette série de conférences en ligne explorait en profondeur la relation étroite entre foresterie urbaine et équité. Comme l’a souligné Rachel Buxton, face à l’urgence climatique, nous devons agir sans attendre en gardant à l’esprit la justice sociale. Nouer des relations avec toutes les parties prenantes est primordial, qu’il s’agisse des organes gouvernementaux, des organisations communautaires, des communautés autochtones, des organisations à but non lucratif, du milieu universitaire ou des spécialistes du domaine. Ainsi, nous pouvons collectivement aspirer à un verdissement urbain équitable et utile, en veillant à ce que nos jungles de béton se transforment en écosystèmes urbains florissants et durables pour les prochaines générations.

L’équité en matière de forêts urbaines au Canada sera le thème de la Conférence canadienne sur la forêt urbaine 2024 organisée par Arbres Canada et la Ville de Winnipeg. La conférence se tiendra du 15 au 18 octobre 2024. En savoir plus.