Table des matières 7.0 Considérations sociales

Collaboration avec les peuples autochtones et intégration du savoir traditionnel autochtone

Bardekjian, A. et Puric-Mladenovic, D. (2025). Collaboration avec les peuples autochtones et intégration du savoir traditionnel autochtone. Dans Cultiver des villes vertes : Guide pratique de la foresterie urbaine au Canada. Arbres Canada. Repéré sur le site Web d’Arbres Canada : https://arbrescanada.ca/guide-foresterie-urbaine/collaboration-avec-les-peuples-autochtones-et-integration-du-savoir-traditionnel-autochtone/

Une femme autochtone et une femme tatouée avec des lunettes se tiennent ensemble dans une forêt. On voit un ciel nuageux en arrière-plan.

Points saillants

Intendance des terres historiques

Les peuples autochtones du Canada, en s’appuyant sur leur connaissance intime des écosystèmes, gèrent les forêts et les terres de façon durable depuis des générations.

Savoir écologique traditionnel (SET)

La valeur des connaissances autochtones est de plus en plus reconnue pour la conservation et la gestion des terres.

Droits et pratiques culturelles

 Les communautés autochtones continuent de se battre pour leurs pratiques culturelles et le droit de gérer les terres.

SET et intendance autochtone dans les zones urbaines

Potentiel de la combinaison du SET et des méthodes scientifiques occidentales.

Les peuples autochtones du Canada vivent en harmonie avec la nature et prennent durablement soin des terres et des forêts depuis de nombreuses générations. Ils possèdent une connaissance intime des complexités des écosystèmes et de la biodiversité des forêts et des terres du Canada. Leur savoir s’est enrichi au fil de nombreuses générations grâce à des échanges directs avec l’environnement et un respect du territoire. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont toujours été des forces d’influence sur la structure des forêts au Canada, mais historiquement, on les a rarement considérés comme gardiens des terres et du savoir. Encore à ce jour, les peuples autochtones se battent pour protéger le droit à leurs pratiques et valeurs culturelles, ainsi que pour leur droit inhérent et inaliénable de protéger les terres canadiennes (Native Land, 2024).

Récemment, la valeur du savoir traditionnel autochtone (STA) en matière de conservation et de gestion a été reconnue et a occupé le devant de la scène dans les discours des scientifiques et de la profession (Sinthumule, 2023; Alexander et al., 2019). De plus en plus, le Savoir écologique traditionnel (SET) est considéré comme une forme de conservation capable d’améliorer les pratiques traditionnelles de gestion forestière au Canada. La combinaison du SET et des connaissances scientifiques occidentales est également perçue comme un moyen de remédier à l’injustice et à l’exclusion historiques des peuples autochtones des décisions de gestion sur leurs terres (CCFM, 2024, McGreggor, 2002).

Depuis que les premiers colons ont mis le pied sur le sol canadien, l’aménagement du territoire, les changements d’utilisation des terres et l’urbanisation ont été précipités. Des colonies permanentes, des villes et des villages, produits de la civilisation occidentale, ont fleuri partout au Canada en quelques décennies de défrichement. À partir du début des années 1900, et en particulier après la Deuxième Guerre mondiale, les colonies, villes et villages existants se sont développés de façon exponentielle à mesure qu’un grand nombre de zones urbaines s’établissaient. Cette vaste urbanisation a stimulé la croissance du réseau d’infrastructures grises (routes, électricité, lignes électriques, etc.) nécessaires pour soutenir les centres urbains et leurs environs. À la suite de tous ces changements et possibilités économiques en milieu urbain, la population du Canada, y compris les peuples autochtones, est devenue principalement urbaine. Aujourd’hui, plus de 800 000 Autochtones vivent dans des villes au Canada (Trovato et Price, 2024). Selon le recensement de 2016, environ 45 % des Autochtones inscrits, 76 % des non-inscrits, 50 % des Inuits et 70 % des Métis vivent en milieu urbain (Services aux Autochtones Canada, 2020).

Savoir écologique traditionnel (SET)

Le savoir écologique traditionnel (SET) a une valeur culturelle et traditionnelle importante pour les communautés autochtones et les colons canadiens. Le SET s’est développé et a évolué durant des milliers d’années d’expériences vécues et a façonné la culture et l’économie du Canada. Les peuples autochtones possédaient une connaissance essentielle de pratiques liées à la gestion du milieu naturel. Ils étaient experts dans la navigation de cours d’eau et l’utilisation de lacs, de fleuves et de rivières pour se déplacer. Pour les déplacements sur l’eau, les peuples autochtones ont créé des canots en écorce de bouleau (Marsh et Parrott, 2021) et ont conçu des raquettes pour marcher et chasser sur la terre durant les mois enneigés (Atleo et Boron, 2022).

Les Autochtones, maîtres des techniques de piégeage et de chasse, ont appris aux colons comment les animaux migrent, comment suivre leurs traces et comment les piéger et enlever leur peau. Entailler les érables pour produire du sirop d’érable, un savoir et une compétence originellement détenus par les peuples autochtones du Canada, est devenu un emblème de la culture canadienne. Bien que de nombreux parcs et groupes dans les villes ou aux alentours organisent des festivals de sirop d’érable pour démontrer comment les colons entaillaient les érables, ils ne reconnaissent pas nécessairement la contribution des Autochtones (Pine, 2016; Moody, 2015; Huron, 2014).

Les pratiques agricoles autochtones employées par les Haudenosaunee comprenaient des méthodes comme les « Trois Sœurs » (maïs, haricots et courge), ce qui contribuait à optimiser le rendement des récoltes et à assurer la fertilité du sol (Decaire, 2012). Au début de la colonisation, la nature était la principale source de médicaments, et les peuples autochtones détenaient une connaissance approfondie des plantes locales aux propriétés guérisseuses et médicinales. Par exemple, l’écorce de saule (similaire à l’aspirine) était utilisée pour soulager les douleurs, tandis que le thuya occidental était infusé en thé et utilisé par les colons pour prévenir le scorbut (Turner, 2019; Durzan, 2009). Les peuples autochtones ont également une grande connaissance des pratiques de gestion des terres comme les brûlages dirigés visant à maintenir les communautés de végétation et la faune associée dans le paysage dont elles dépendent. Dans plusieurs villes, on a eu recours aux feux contrôlés comme pratique de gestion dans les parcs urbains, et l’abattage sélectif des arbres a également été considéré comme bénéfique (Moola et al., 2024).

Même si ces pratiques autochtones et le SET ont été employés par les colons pour survivre et réaliser des profits économiques, façonnant la culture canadienne telle qu’on la connaît aujourd’hui, le SET n’a pas toujours été reconnu et honoré (Parcs Canada, s. d.). Le SET a été pris, mais le crédit et le respect appropriés n’ont pas été rendus aux peuples autochtones qui ont enseigné et partagé leurs compétences, leurs connaissances et leurs terres. Ce que les colons n’ont pas appris ou retenu des peuples autochtones, c’est comment ne pas abattre, chasser, pêcher de façon excessive, comment respecter les terres et comment penser aux prochaines générations (Dick et al., 2022).

Les perspectives sur le territoire et les valeurs des peuples autochtones et des colons européens étaient également aux antipodes. Le SET, tout comme les ressources abondantes et les terres prises aux peuples autochtones, ont permis aux colonisateurs d’en profiter économiquement jusqu’au point où les gains économiques ont mené à la déforestation, à l’érosion, à la pollution, à la perte d’espèces, à l’effondrement des zones de pêche et à de nombreux autres problèmes découlant de la vision des terres comme une commodité. Cela a rapidement mené au contrôle, à la marginalisation et à l’exclusion des peuples autochtones et de leur culture au Canada, avec des effets dévastateurs qui ont des répercussions encore aujourd’hui.

Intendance autochtone dans les villes canadiennes

Depuis l’établissement de colonies permanentes et de zones urbaines par des colons, les arbres et jardins urbains et leur gestion dans les villes ont été dominés par les valeurs, les conceptions et la science occidentales en excluant les peuples autochtones, leurs connaissances et leur collaboration (Mullenbach et al., 2003).

Toutefois, la société canadienne, y compris les différents ordres de gouvernement et des ONG, commence à intégrer des groupes autochtones et leurs perspectives à des séances d’information et dans les prises de décision dans le cadre de mesures de conservation et d’aménagement du territoire. Le SET est de plus en plus considéré comme une méthode de conservation ayant le potentiel d’améliorer les pratiques de gestion forestière traditionnelles du Canada tout en reconnaissant l’exclusion historique des peuples autochtones des décisions de gestion concernant leurs terres (CCFM, 2024). Dans certains cas, des activités traditionnelles et culturelles sont intégrées aux plans de gestion forestière dont la conception et les plans de zones de protection des terres sont basés sur le SET (Cheveau et al. 2008). Les peuples autochtones dépendent d’écosystèmes forestiers sains et efficaces auxquels ils sont connectés ainsi qu’à leurs produits forestiers autres que le bois, ce qui apporte une perspective holistique sur la vision et la gestion des forêts (Cheveau, Imbeau, Drapeau et Bélanger, 2008). La collaboration avec les peuples autochtones au niveau politique de la foresterie demande plus d’attention, mais il existe un grand nombre d’initiatives d’intendance autochtone dans les paysages forestiers. Par exemple, les désignations de « forêts communautaires » dont la gestion est basée sur des valeurs, des croyances et des décisions locales émergent en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec (RNCan, 2024). Ces forêts communautaires représentent des initiatives conjointes du secteur privé et menées par des Autochtones, ce qui favorise la cogestion autodéterminée. Grâce au soutien du secteur privé et du gouvernement, les communautés autochtones peuvent appliquer des pratiques d’intendance traditionnelles et définir leurs propres résultats souhaités en matière de gestion forestière urbaine tout en faisant progresser les objectifs de foresterie définis en collaboration avec les associations du secteur et la population.

Une coopération et une cogestion efficaces entre le secteur privé, le gouvernement et les peuples autochtones en aménagement urbain peuvent également donner lieu à des pratiques de gestion et d’aménagement du territoire percutantes. Récemment, plusieurs Premières Nations du Manitoba ont montré l’exemple en matière de développement urbain mené par les Autochtones en obtenant la plus grande réserve autochtone urbaine du Canada sur le site des anciennes casernes de Kapyong à Winnipeg. Grâce à des décisions et une planification stratégique largement menées par des Autochtones, des infrastructures vertes (forêts urbaines, étendues d’eau, végétation) ont été reconnues comme « vitales » pour la création de collectivités durables dans le plan directeur de Naawi-Oodena. La Première Nation utilisera des espèces indigènes pour la végétation urbaine comme moyen de partager des connaissances et de reconnaître la valeur culturelle des plantes locales tout en créant un habitat essentiel pour les espèces indigènes de la faune et les pollinisateurs (Société immobilière du Canada, 2021).

Les forêts urbaines sont un nouveau phénomène qui est né avec la croissance des centres urbains. Elles sont le résultat de changements et d’interactions complexes entre les gens et les terres et leur volonté de rendre les villes plus agréables à vivre. Bien que les forêts urbaines soient une combinaison complexe d’arbres et de plantes indigènes et non indigènes, elles reçoivent souvent une réponse positive des peuples autochtones. Les peuples autochtones, en tant que petits groupes ou individuellement, font entendre leur voix dans les zones urbaines et sont souvent les premiers à défendre la nature. Ils défendent les arbres, la faune et même les barrières de thuya occidental face au développement (Therrien, 2022). Ils observent les créatures que les forêts urbaines abritent et ont conscience de ce que les arbres apportent au-delà de la valeur financière.

L’histoire, l’expérience et la recherche ont montré que le SET et les pratiques traditionnelles de foresterie contribuent à des niveaux plus élevés de biodiversité et à des écosystèmes plus sains (Nitah, 2021). Les peuples autochtones utilisent et gèrent le territoire de façon durable et respectueuse (Fisher et al., 2019). Leurs pratiques historiques comme les brûlages culturels et l’abattage sélectif d’arbres ont aujourd’hui été incorporées dans certains plans de gestion forestière contemporaine. Les brûlages dirigés et la foresterie sélective sont adoptés dans la plupart des provinces et territoires du Canada. De plus, lorsqu’on donne les moyens à la population locale de gérer les forêts urbaines, ces forêts ont tendance à être plus résilientes, biodiverses et bénéfiques d’un point de vue socioéconomique (RNCan, 2023). L’incorporation des pratiques traditionnelles comme les brûlages dirigés, l’abattage d’arbres, les jardins pollinisateurs et la protection des plantes indigènes dans la foresterie urbaine contemporaine est vitale pour encourager des pratiques de gestion forestière urbaine durables, mais constitue aussi une étape fondamentale vers la réconciliation (voir Arbres Canada, s. d.). Les voies à suivre pour l’avenir nécessitent plus de connaissances, d’expertise, de collaboration et de gestion menée par les Autochtones en foresterie urbaine.

Intégrer le SET dans la gestion forestière urbaine et encourager les échanges, la collaboration et l’autodétermination des peuples autochtones sont essentiels à la gestion durable des forêts urbaines (Reconciling Ways of Knowing, s. d.). Historiquement et jusqu’à ce jour, la gestion des forêts urbaines a souvent exclu le savoir et les pratiques autochtones traditionnels, mais la voie à suivre montre l’importance, la valeur et la nécessité du SET pour l’avenir.

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Non canadiennes
Lectures complémentaires