Table des matières 6.0 Stress sur la forêt urbaine

Espèces de plantes envahissantes

Bardekjian, A. et Puric-Mladenovic, D. (2025). Espèces de plantes envahissantes. Dans Cultiver des villes vertes : Guide pratique de la foresterie urbaine au Canada. Arbres Canada. Repéré sur le site Web d’Arbres Canada : https://arbrescanada.ca/guide-foresterie-urbaine/especes-de-plantes-envahissantes/

Close-up shot of the dead patches on tree leaves caused by the Horse-chestnut leaf miner (Cameraria ohridella) in a park

Points saillants

Effets

Répercussions négatives des plantes envahissantes et exemples issus de forêts urbaines au Canada.

Gestion

Méthodes de contrôle chimiques, physiques et biologiques.

Surveillance et prévention

Détecter, ralentir et stopper la propagation des plantes envahissantes.

Les espèces de plantes envahissantes posent une menace importante pour les forêts urbaines au Canada. Elles ont des répercussions sur la biodiversité, sur la santé des écosystèmes ainsi que sur les fonctions et services écologiques des espaces verts et des zones urbaines naturelles, mais causent aussi des effets économiques non négligeables. Selon un sondage national mené en 2021 par l’Invasive Species Centre (centre de lutte contre les espèces envahissantes), les municipalités canadiennes estimaient leurs dépenses annuelles liées aux espèces de plantes envahissantes entre 95,8 et 400 millions de dollars (Vyn et Invasive Species Centre, 2022). Une prévention et une gestion efficaces et concertées des espèces envahissantes sont essentielles pour assurer l’intégrité et la résilience des forêts urbaines et préserver la biodiversité et les bienfaits économiques et écologiques qu’elles apportent.

En raison du changement de l’utilisation des terres (par exemple, des terres anciennement agricoles ou perturbées converties en zones urbaines) et de l’introduction d’espèces de plantes, ou de la priorité donnée aux espèces introduites, les milieux urbains ont tendance à abriter un grand nombre de plantes non indigènes, dont certaines sont envahissantes. Les espèces envahissantes introduites sont plantées ou s’établissent spontanément selon l’utilisation des terres, ce qui menace la biodiversité des aires naturelles. Par exemple, des plantes envahissantes comme la renouée du Japon (Reynoutria japonica), l’alliaire (Alliaria petiolata), le dompte-venin de Russie (Vincetoxicum rossicum), le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica), la ronce discolore (Rubus armeniacus) et l’ailante glanduleux (Ailanthus altissima) prolifèrent en milieu urbain. Elles monopolisent des espaces naturels, concurrencent la flore indigène et perturbent les écosystèmes locaux et les fonctions écologiques (Ville de Toronto, 2013; Ministère des Forêts, 2024; Programme de sensibilisation aux espèces envahissantes de l’Ontario, s. d.; Stanley Park Ecology Society, 2013; Saskatchewan Invasive Species Council, s. d.).

Les espèces de plantes envahissantes altèrent souvent les propriétés biologiques (par exemple, les propriétés mycorhiziennes), la chimie et la disponibilité des nutriments, ce qui entrave l’établissement d’espèces indigènes et favorise l’expansion et l’établissement de plantes envahissantes (Ehrenfeld, 2003; Kourtev et al., 2002). Les plantes envahissantes modifient la composition de la végétation et les conditions de croissance et d’ensoleillement tout en diminuant la quantité d’eau disponible pour les plantes indigènes, ce qui rend ces environnements moins hospitaliers pour ces dernières (Lamarque et al., 2011). Autre risque posé par les plantes envahissantes : la possibilité qu’elles s’hybrident avec des plantes indigènes et finissent par éliminer le potentiel génétique indigène (Mooney et Cleland, 2001). À long terme, ces effets cumulatifs modifient la composition et la structure de la végétation naturelle dans les zones urbaines (Delavaux et al., 2023). Il a été démontré que les arbres non indigènes envahissants réduisent la diversité des insectes indigènes et peuvent faciliter la propagation des ravageurs non indigènes (Branco et al., 2019). Par ailleurs, les espèces de plantes envahissantes peuvent changer de façon importante les fonctions des écosystèmes et avoir des répercussions négatives sur la santé humaine (Vila et al., 2011).

Certains arbres plantés ou qui s’établissent spontanément dans les villes canadiennes sont aussi listés comme espèces envahissantes. Par exemple : le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia), l’aulne glutineux (Alnus incana), le mûrier blanc (Morus alba), le pin sylvestre (Pinus sylvestris), l’érable plane (Acer platanoides), l’érable à Giguère (Acer negundo), l’ailante glanduleux (Ailanthus altissima), l’oléastre à ombelles (Elaeagnus umbellata), l’épine-vinette du Japon (Berberis thunbergii) et le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica). Toutefois, on trouve de nombreuses autres espèces envahissantes d’arbres, d’arbustes et d’herbes dans les milieux urbains canadiens qui représentent une menace pour les écosystèmes naturels.

Gestion des espèces de plantes envahissantes dans les forêts urbaines

La gestion des espèces envahissantes comporte plusieurs facettes et inclut une variété d’outils et de méthodes allant des politiques aux mesures de contrôle et d’éradication, en passant par la sensibilisation du public et les mesures de prévention. Au Canada, différents paliers de gouvernement ont introduit des réglementations en matière de mauvaises herbes et d’espèces envahissantes pour interdire l’introduction et la distribution de plantes. À l’échelle nationale, des mesures de contrôle provinciales complétant les réglementations fédérales peuvent être adoptées pour contrôler la propagation des espèces envahissantes au pays (gouvernement du Canada et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), 2024; Sherman et Ontario Invasive Plant Council, 2015). Par exemple, le gouvernement de l’Ontario interdit et limite l’importation, la possession, le transport ou la mise en liberté de 42 espèces envahissantes en vertu de la Loi sur les espèces envahissantes (gouvernement de l’Ontario, 2023). Toutes les espèces envahissantes n’ont pas les mêmes répercussions. Une poignée d’espèces causent le plus de dommages. En Colombie-Britannique, six espèces envahissantes ont causé à elles seules près de 65 millions de dollars de dommages en 2008 (Invasive Species Council of British Columbia, 2024b).

Contrôle des plantes envahissantes

Les mesures de contrôle et d’éradication des espèces de plantes envahissantes peuvent prendre différentes formes : techniques mécaniques et chimiques, incinération, inondation, régulation biologique et autres méthodes de contrôle. Des méthodes d’élimination mécanique comme l’arrachage à la main, la tonte et la coupe peuvent être efficaces en cas de petites infestations. Plus récemment, des systèmes de pâturage contrôlé utilisant des chèvres ont été employés pour gérer des espèces envahissantes dans des zones naturelles (Rathfon, 2021; Ville de Mississauga, 2021).

Des herbicides et d’autres mesures de lutte chimique peuvent aussi être utilisés de manière sélective pour contrôler les espèces envahissantes, principalement lorsque les méthodes mécaniques ne peuvent pas être employées. Cependant, l’application de ces produits chimiques doit respecter les réglementations locales et être réalisée par des professionnels agréés (Invasive Species Centre, 2021; Ministère des Ressources naturelles du Wisconsin, s. d.). Par ailleurs, l’utilisation de certaines substances chimiques pour lutter contre les mauvaises herbes et les plantes envahissantes a été interdite par de nombreuses municipalités au Canada (Loi sur les pesticides de l’Ontario, 2024; Ville de Vancouver, s. d.; Santé Canada, 2024).

On a également recours à des méthodes de régulation biologique pour introduire des prédateurs naturels ou des pathogènes propres aux espèces envahissantes en vue de gérer leurs populations. Cette approche nécessite des recherches et une évaluation attentive des risques écologiques pour éviter des répercussions écologiques non désirables (Invasive Species Centre, 2021). Par exemple, après avoir mené plus d’une décennie de tests, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a approuvé, dans le cadre d’une plus vaste stratégie de gestion concertée contre des phragmites envahissants (Phragmites australis), la mise en liberté de deux papillons nocturnes foreurs de tiges (Archanara neurica et Lenisa geminipuncta) pour contrôler la propagation. Les phragmites sont l’une des espèces envahissantes qui perturbent le plus l’environnement au Canada (Canards Illimités Canada, 2024). Ils menacent la biodiversité des terres humides et se propagent rapidement le long des routes, y compris en milieu urbain. Toutefois, des mesures de régulation biologique seules ne sont pas suffisantes pour les éradiquer. Elles permettent de réduire progressivement la dominance d’une espèce et les perturbations de l’habitat, ce qui donne la possibilité aux plantes indigènes et à la faune de se rétablir (Canards Illimités Canada, 2024).

Détection précoce et réponse rapide

La détection précoce et le contrôle des espèces envahissantes sont d’autres outils essentiels qui s’appuient sur une surveillance régulière et sur les signalements de plantes envahissantes rapportés par la population. L’une de ces approches est la détection précoce et réponse rapide (DPRR) des espèces envahissantes. En Colombie-Britannique par exemple, les activités de DPRR sont menées en partenariat avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments et impliquent les principaux gestionnaires de terres et parties prenantes partout dans la province et les régions voisines (groupe de travail interministériel sur les espèces envahissantes de la Colombie-Britannique (IMISWG), 2014). De plus, la surveillance et la gestion des espèces envahissantes grâce à la télédétection, aux images de drones, au traitement des données et aux analyses se sont imposées comme des solutions pratiques pour détecter des invasions de plantes de grande envergure représentables sur des cartes dans les forêts urbaines (Singh et al., 2024).

Sensibilisation

Sensibiliser la population aux répercussions des espèces envahissantes et encourager l’utilisation des plantes indigènes dans l’aménagement paysager peut considérablement contribuer aux efforts de prévention et de régulation. Partout au Canada, différents paliers de gouvernement, des organisations à but non lucratif, des groupes régionaux et des autorités de conservation sensibilisent le public et éradiquent des plantes envahissantes ou préviennent leur propagation en milieu urbain (gouvernement de l’Alberta, 2014; Invasive Species Council of British Columbia, 2024). Ces groupes commencent souvent par élaborer des plans de gestion stratégique des espèces envahissantes ainsi que des pratiques de gestion exemplaires dans le cadre de la gestion de la foresterie urbaine (Ontario Invasive Plant Council, 2024). Des membres des collectivités et le public s’impliquent également activement dans la régulation des espèces envahissantes et leur élimination des espaces naturels. On recense des exemples d’efforts communautaires indépendants ou en partenariat avec des municipalités ou des ONG aux quatre coins du pays (Invasive Species Centre, 2024).

La volonté de collaboration entre les municipalités et le milieu universitaire ainsi que l’adaptation constante des pratiques de gestion exemplaires selon les dernières recherches et les conditions locales renforcent également l’efficacité du contrôle des espèces envahissantes et contribuent à la durabilité de la forêt urbaine (Sherman et Ontario Invasive Plant Council, 2015).

Les municipalités ont intégré des stratégies de gestion des plantes envahissantes dans leurs plans de gestion forestière urbaine pour préserver la santé écologique et la résilience des espaces verts et des zones naturelles en milieu urbain (Ville de Toronto, 2024a; Gouvernement de l’Alberta, 2024; Patterson, 2015). Bon nombre de municipalités ont commencé à donner la priorité à la plantation d’espèces d’arbres indigènes ou des espèces introduites non envahissantes pour montrer l’exemple et stopper la propagation des plantes envahissantes (Patterson, 2015). Certaines espèces envahissantes comme l’érable plane (Acer platanoides) sont toutefois encore plantées et produites par des pépinières.

Au niveau national
Au niveau provincial ou territorial
Alberta
Colombie-Britannique
Île-du-Prince-Édouard
Nouveau-Brunswick
Nouvelle-Écosse
Manitoba
Ontario
Québec
Saskatchewan
Territoires du Nord-Ouest
Yukon
Non canadiennes
Lectures complémentaires
  • Aoshana, A. (2021). Invasive Plant Management for Stewardship of Naturalized Urban Forests. (projet de recherche de maîtrise en conservation forestière), Université de Toronto, base de données TSpace.
  • Delavaux, C. S., Crowther, T. W., Zohner, C. M., Robmann, N. M., Lauber, T., van den Hoogen, J., Maynard, D. S. (2023). Native diversity buffers against severity of non-native tree invasions. Nature, 621(7980), 773-781.
  • Derickx, L. et Antunes, P. (2013). A Guide to the Identification and Control of Exotic Invasive Species in Ontario’s Hardwood Forests. Invasive Species Research Institute.
  • DiTommaso, A., Lawlor, F. M. et Darbyshire, S. J. (2005). The Biology of Invasive Alien Plants in Canada. 2. Cynanchum rossicum (Kleopow) Borhidi [= Vincetoxicum rossicum (Kleopow) Barbar.] and Cynanchum louiseae (L.) Kartesz & Gandhi [= Vincetoxicum nigrum (L.) Moench]. Canadian Journal of Plant Science, 85(1), 243-263.
  • Duchesneau, K., Derickx, L. et Antunes, P. M. (2021). Assessing the relative importance of human and spatial pressures on non-native plant establishment in urban forests using citizen science. NeoBiota, 65, 1-21.
  • Lapointe, M. et Brisson, J. (2012). A Comparison of Invasive Acer platanoides and Native A. saccharum First-Year Seedlings: Growth, Biomass Distribution and the Influence of Ecological Factors in a Forest Understory. Forests, 3(2), 190-206.
  • Mistry, A. P., Steffeck, A. W. T. et Potosnak, M. J. (2021). Edge Growth Form of European Buckthorn Increases Isoprene Emissions from Urban Forests. Frontiers in Forests and Global Change, 3.
  • Nguyen, N.-A., Eskelson, B. N. I., Gergel, S. E. et Murray, T. (2021). The occurrence of invasive plant species differed significantly across three urban greenspace types of Metro Vancouver, Canada. Urban Forestry & Urban Greening, 59, 126999.
  • Pile Knapp, L. S., Coyle, D. R., Dey, D. C., Fraser, J. S., Hutchinson, T., Jenkins, M. A., … Wang, G. G. (2023). Invasive plant management in eastern North American Forests: A systematic review. Forest Ecology and Management, 550, 121517.
  • Potgieter, L. J., Shrestha, N. et Cadotte, M. W. (2022). Prioritizing sites for terrestrial invasive alien plant management in urban ecosystems. Ecological Solutions and Evidence, 3(3), e12160.
  • Rathfon, R. A., Greenler, S. M. et Jenkins, M. A. (2021). Effects of prescribed grazing by goats on non-native invasive shrubs and native plant species in a mixed-hardwood forest. Restoration Ecology, 29(4), e13361.
  • Singh, K. K., Surasinghe, T. D. et Frazier, A. E. (2024). Systematic review and best practices for drone remote sensing of invasive plants. Methods in Ecology and Evolution, 15(6), 998-1015.