Feux de forêt et interface urbaine-rurale
Bardekjian, A. et Puric-Mladenovic, D. (2025). Feux de forêt et interface urbaine-rurale. Dans Cultiver des villes vertes : Guide pratique de la foresterie urbaine au Canada. Arbres Canada. Repéré sur le site Web d’Arbres Canada : https://arbrescanada.ca/guide-foresterie-urbaine/feux-de-foret-et-interface-urbaine-rurale/

Points saillants
Interface urbaine-rurale
Répercussions des feux de forêt sur les localités situées dans l’interface.
Gestion des feux
Comment les municipalités canadiennes font en sorte de prévenir et d’atténuer les répercussions des feux de forêt à petite et grande échelle.
Communautés autochtones et feux
Pratiques de brûlage traditionnelles et culturelles.
Les feux de forêt dans les forêts boréales du Canada sont une perturbation naturelle qui stimule la végétation en augmentant la diversité des arbres et de la végétation. Cependant, au cours des dernières décennies, la fréquence, l’intensité et la gravité des feux de forêt ont augmenté en raison de plusieurs facteurs. Les pratiques de foresterie communes pour lutter contre les feux ont mené à une accumulation importante de bois mort et de débris en l’absence de régime de feux naturel pour réduire leur présence (Stocks et Martell, 2016). En raison de la charge de combustible accrue, les feux atteignent la canopée plus en hauteur et brûlent avec plus de chaleur. Ces conditions sont amplifiées par les changements climatiques anthropiques qui ont mené à des étés plus secs et plus longs créant un environnement idéal pour des feux intenses et soutenus. Certaines collectivités urbaines canadiennes et communautés autochtones se sont traditionnellement intégrées aux paysages forestiers, tandis que de nouvelles zones urbaines se sont aussi étendues dans ces régions. Ces interfaces entre zone urbaine et rurale sont menacées par les feux de forêt alors que l’intensité et la fréquence de ces feux augmentent au Canada.
Les feux de forêt sévissent tout au long de l’année, mais la saison des feux au Canada se concentre généralement entre mai et septembre. Pour le Canada, 2023 a été l’année la plus destructrice de l’histoire en matière de feux de forêt. En juin 2023, plus de terres ont été brûlées au Québec que dans les 20 dernières années combinées (Ressources naturelles Canada, 2024). Les répercussions des feux de forêt les plus graves vont au-delà de la perte des arbres. Les feux détruisent les collectivités, déplacent la population, détruisent les bâtiments et poussent de grands groupes de gens à quitter leur domicile. De plus, les conditions climatiques et la fumée liées aux incendies peuvent s’étendre bien au-delà de la zone touchée et ont des effets durables sur la santé humaine (UNDRR, 2024).
Les feux peuvent aussi gravement toucher les forêts urbaines en détruisant un grand nombre d’arbres et d’espaces verts, ce qui réduit le couvert forestier global et la diversité de la forêt. Résultat : les localités situées dans cette interface se retrouvent avec un couvert forestier limité voire nul. La réduction considérable du couvert forestier peut intensifier la chaleur estivale et exacerber les problèmes liés à la chaleur associés aux îlots de chaleur urbains. La perte d’arbres dans les zones urbaines a également des effets sur les espèces animales et végétales qui en dépendent en matière de nourriture et d’abri. Par ailleurs, cette perte d’arbres et de végétation diminue également l’attrait esthétique de ces collectivités et leur valeur en matière de loisirs. Sans compter que la perte soudaine et de grande ampleur du couvert forestier a des conséquences à long terme sur la résilience des collectivités et la santé environnementale. Le processus de rétablissement nécessite la plantation de nouveaux arbres et des initiatives de restauration de la forêt dans les zones urbaines, ce qui peut être un processus coûteux et chronophage.
Gestion des feux
La gestion des incendies comprend des techniques de gestion forestière appropriées, l’éducation du public et la modernisation des plans et méthodes d’aménagement paysager pour les particuliers et les collectivités. Dans les zones à risque élevé, on peut réduire les risques de feux dans les logements en retirant les matériaux inflammables autour des maisons, en créant des pare-feux à l’échelle des bâtiments et en incorporant des matériaux résistant aux feux dans la construction des bâtiments. Les études ont démontré que de nombreux bâtiments prennent feu lorsque des braises tombent sur les propriétés ou à proximité et s’étendent aux logements attenants (BC Wildfire Service, s. d.) et qu’il est courant que le vent transporte les braises à des centaines de mètres (Partners in Protection, 2003). C’est pourquoi nettoyer les gouttières, retirer les piles de bois des propriétés et créer un pare-feu entre les structures en bois et la maison peut réduire les chances de déclencher un incendie. Par exemple, les terrasses rattachées aux maisons et le mobilier en bois peuvent être à l’origine de feux. On peut réduire les risques de propagation en choisissant des espèces de plantes résistant aux feux, en éliminant les branches basses des arbres à proximité pour prévenir les feux des canopées et en se débarrassant des débris végétaux (Beverly et al., 2020). Ces mesures de prévention peuvent réduire le risque des logements de prendre feu et limiter la propagation des flammes dans les localités.
À l’échelle des collectivités et des régions, des initiatives de plus grande ampleur comme des évaluations des feux de forêt, l’identification des facteurs qui augmentent le risque d’incendies en milieu urbain et l’élaboration de plans pour réduire ces risques peuvent contribuer à mieux se préparer à la saison annuelle des feux. Selon des études menées dans la Nord-Ouest Pacifique, l’éclaircissage et le brûlage des forêts sont les solutions les plus efficaces pour limiter la gravité des feux (Copes-Gerbitz et al., 2022). Tailler les branches basses empêche le feu de se propager vers la cime et la canopée. Cependant, il a également été démontré que l’éclaircissage seul pouvait augmenter la gravité des feux, car la charge de combustible globale au sol augmente. Par conséquent, une combinaison d’éclaircissage et de traitements en surface est l’approche la plus efficace, qu’il s’agisse de brûlage dirigé ou de brûlage de débris, pour diminuer l’intensité de futurs feux (Davis et al., 2024). Après traitement, les feux sont moins intenses et on enregistre des taux de survie plus élevés pour les arbres (Davis et al., 2024). Ces paysages gérés sont également plus faciles à traverser pour le personnel de contrôle des incendies, ce qui permet une meilleure maîtrise des feux de forêt (Davis et al., 2024). Au fil du temps, l’efficacité des traitements diminue, ce qui rend la gestion des feux de forêt à long terme indispensable.
Feux et communautés autochtones
Au cours des dernières décennies, les feux les plus extrêmes en matière d’intensité et de propagation ont souvent eu lieu dans des régions éloignées du Canada. Par conséquent, les petites villes et les communautés autochtones sont proportionnellement plus touchées. Elles ont moins de ressources et n’ont généralement pas de plan communautaire de gestion des feux (Copes-Gerbitz et al., 2022). Même si les communautés autochtones sont activement préoccupées par les risques de feux de forêt pour la faune, la qualité de l’eau et la biodiversité, l’inégalité d’accès aux ressources de prévention des feux constitue une barrière systémique qui doit être surmontée pour diminuer les répercussions des feux de forêt (Copes-Gerbitz et al., 2022). Par rapport à de plus grandes zones municipales ou régionales, les groupes autochtones ont également une capacité sociale plus limitée et ont été historiquement exclus du processus de planification. Ainsi, ils n’ont souvent pas accès aux programmes soutenus par le gouvernement. La mobilisation et des approches axées sur les communautés doivent être prises en compte dans la mise en place de plans de prévention des feux, et les connaissances traditionnelles des communautés autochtones doivent être incluses dans les discussions (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2022).
Brûlages dirigés
Historiquement, les peuples autochtones ont utilisé les feux pour gérer les terres et soutenir leur culture, leurs valeurs et leurs pratiques, mais les techniques modernes de lutte contre les feux ont souvent empêché ces brûlages dirigés culturels dans de nombreuses régions du Canada (Lambert, 2021; Intelli-feu Canada, 2022; Intelli-feu Canada, 2024). Cette absence de feux dans le paysage entraîne une perte de biodiversité. Les restes des écosystèmes de prairies et de savane indigènes qu’on trouve dans les villes canadiennes (Ville de Toronto, 2002; District de Saanich, 2023) en témoignent. Les écosystèmes de prairies et de savane font partie des types d’habitat et de végétation les plus menacés au Canada en raison de la conversion des terres et de l’absence de feux. Les brûlages dirigés contribuent à gérer ces écosystèmes dans les villes et à entretenir leur biodiversité. Les feux contrôlés permettent d’éliminer la végétation morte, de contrôler les espèces envahissantes et de recycler les nutriments dans le sol pour stimuler la croissance d’herbes et de fleurs sauvages indigènes. Par exemple, en approfondissant l’écologie des feux, la Ville de Toronto a introduit des brûlages dirigés annuels pour maintenir la savane de chênes noirs dans l’un des parcs les plus iconiques de la ville : le parc High. La pratique a débuté en 2000 et se poursuit chaque année depuis. Les brûlages dirigés annuels ont apporté de nombreux bienfaits écologiques et sociaux, dont la sensibilisation du public et l’incorporation des connaissances et pratiques traditionnelles dans la gestion de la végétation en milieu urbain (Martin, 2024; Prescribed Fire, s. d.).
Ressources
Au niveau national
- Institut climatique du Canada. (2024). Fiche de renseignements : Changements climatiques et feux de forêt.
- Climate Action Against Disinformation (CAAD). (2024). Flame Wards: Misinformation and Wildfire in Canada’s Climate Conversation.
- Atlas climatique du Canada. (s. d.). Les incendies de forêt et le changement climatique. Prairie Climate Centre.
- Intelli-feu Canada. (2022). Guide de l’aménagement paysager Intelli-feu – Deuxième édition (24 pages).
- Intelli-feu Canada. (2024). Tracer la voie : Gestion du feu par les peuples autochtones (47 pages).
- FireSmoke Canada. (2021). Prévisions de fumée.
- Gouvernement du Canada. (2024). Préparez-vous aux incendies de forêt.
- Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC). (2024). Canada – Record wildfires spread to urban areas.
- Ressources naturelles Canada. (2025). Système canadien d’information sur les feux de végétation.
- Ressources naturelles Canada. (2024). Incendies de forêt d’une ampleur record au Canada en 2023 : un réveil brûlant. Gouvernement du Canada.
- Partenaires en protection. (2003). (rep.). Intelli-feu : Protégez votre localité contre les incendies forestiers.
- Prescribed Fire. (s. d.). Cultural Burning and Prescribed Fire.
Au niveau provincial ou territorial
Alberta
- Province de l’Alberta. (2024). 2024 Alberta Wildland Urban Interface Guidelines. Ministère de la Foresterie et des Parcs.
- Intelli-feu Canada. (s. d.). Alberta FireSmart – Resources.
Colombie-Britannique
- BC Wildfire Service. (s. d.). (rep.). Firesmart Begins at Home Manual: Reduce the Potential Impacts of Wildfire on Your Home.
- District de Saanich. (2023). (rep.). State of Biodiversity Report.
- Gouvernement de la Colombie-Britannique. (2022). How cultural burning enhances landscapes and lives.
Ontario
- Ville de Toronto. (2002). (rep.). High Park Woodland & Savannah Management Plan.
- High Park Nature. (2024). Prescribed Burns in High Park.
- Martin, S. (2024). Indigenous wisdom guides High Park’s traditional and prescribed burn. Excalibur.
Non canadiennes
- Abo-El-Ezz, A., AlShaikh, F., Farzam, A., Côté, M. O. et Nollet, M. J. (2023). Post-fire Damage Assessment of Buildings at the Wildland Urban Interface. Paper presented at the Lecture Notes in Civil Engineering.
- Bénichou, N., Adelzadeh, M., Singh, J., Gomaa, I., Elsagan, N., Kinateder, M., … Sultan, M. (2021). National guide for wildland-urban-interface fires: guidance on hazard and exposure assessment, property protection, community resilience and emergency planning to minimize the impact of wildland-urban interface fires (196 pages). Conseil national de recherches du Canada.
- Beverly, J. L., Leverkus, S. E. R., Cameron, H. et Schroeder, D. (2020). Stand-level fuel reduction treatments and fire behaviour in Canadian boreal conifer forests. Fire, 3(3), 1-23.
- Calkin, D. E., Cohen, J. D., Finney, M. A. et Thompson, M. P. (2014). How risk management can prevent future wildfire disasters in the wildland-urban interface. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 111(2), 746-751.
- Copes-Gerbitz, K., Dickson-Hoyle, S., Ravensbergen, S. L., Hagerman, S. M., Daniels, L. D. et Coutu, J. (2022). Community Engagement with Proactive Wildfire Management in British Columbia, Canada: Perceptions, Preferences, and Barriers to Action. Frontiers in Forests and Global Change, 5.
- Davis, K. T., Peeler, J., Fargione, J., Haugo, R. D., Metlen, K. L., Robles, M. D. et Woolley, T. (2024). Tamm review: A meta-analysis of thinning, prescribed fire, and wildfire effects on subsequent wildfire severity in conifer dominated forests of the Western US. Forest Ecology and Management, 561.
- Erni, S. Johnston, L. Boulanger, Y., Manka, F., Bernier, P., Eddy, B. … Gauthier, S. (2021). Exposure of the Canadian wildland–human interface and population to wildland fire, under current and future climate conditions. Canadian Journal of Fire Research, 51(9), 1357-1367.
- Gaur, A., Bénichou, N., Armstrong, M. et Hill, F. (2021). Potential future changes in wildfire weather and behavior around 11 Canadian cities. Urban Climate, 35, 100735.
- Lambert, E. (2021). Shackan Indian Band and Xwisten First Nation: Reinstating cultural burning practices. Institut de prévention des sinistres catastrophiques.
- Moritz, M. A., Batllori, E., Bradstock, R. A., Gill, A. M., Handmer, J., Hessburg, P. F., … Syphard, A. D. (2014). Learning to coexist with wildfire. Nature, 515(7525), 58-66.
- Agence de la santé publique du Canada. (2023). Profil de risque pour la santé publique : Feux de forêt au Canada, 2023. Gouvernement du Canada.
- Safford, H. D., Schmidt, D. A. et Carlson, C. H. (2009). Effects of fuel treatments on fire severity in an area of wildland-urban interface, Angora Fire, Lake Tahoe Basin, California. Forest Ecology and Management, 258(5), 773-787.
- Stocks, B. J. et Martell, D. L. (2016). Forest fire management expenditures in Canada: 1970-2013. Forestry Chronicle, 92(3), 298-306.
- Your Forest Podcast. (s. d.). Good Fire Podcast – List.
Lectures complémentaires
- Abo-El-Ezz, A., AlShaikh, F., Farzam, A., Côté, M. O. et Nollet, M. J. (2023). Post-fire Damage Assessment of Buildings at the Wildland Urban Interface. Paper presented at the Lecture Notes in Civil Engineering.
- Bénichou, N., Adelzadeh, M., Singh, J., Gomaa, I., Elsagan, N., Kinateder, M., … Sultan, M. (2021). National guide for wildland-urban-interface fires: guidance on hazard and exposure assessment, property protection, community resilience and emergency planning to minimize the impact of wildland-urban interface fires (196 pages). Conseil national de recherches du Canada.
- Beverly, J. L., Leverkus, S. E. R., Cameron, H. et Schroeder, D. (2020). Stand-level fuel reduction treatments and fire behaviour in Canadian boreal conifer forests. Fire, 3(3), 1-23.
- Calkin, D. E., Cohen, J. D., Finney, M. A. et Thompson, M. P. (2014). How risk management can prevent future wildfire disasters in the wildland-urban interface. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 111(2), 746-751.
- Copes-Gerbitz, K., Dickson-Hoyle, S., Ravensbergen, S. L., Hagerman, S. M., Daniels, L. D. et Coutu, J. (2022). Community Engagement with Proactive Wildfire Management in British Columbia, Canada: Perceptions, Preferences, and Barriers to Action. Frontiers in Forests and Global Change, 5.
- Davis, K. T., Peeler, J., Fargione, J., Haugo, R. D., Metlen, K. L., Robles, M. D. et Woolley, T. (2024). Tamm review: A meta-analysis of thinning, prescribed fire, and wildfire effects on subsequent wildfire severity in conifer dominated forests of the Western US. Forest Ecology and Management, 561.
- Erni, S. Johnston, L. Boulanger, Y., Manka, F., Bernier, P., Eddy, B. … Gauthier, S. (2021). Exposure of the Canadian wildland–human interface and population to wildland fire, under current and future climate conditions. Canadian Journal of Fire Research, 51(9), 1357-1367.
- Gaur, A., Bénichou, N., Armstrong, M. et Hill, F. (2021). Potential future changes in wildfire weather and behavior around 11 Canadian cities. Urban Climate, 35, 100735.
- Lambert, E. (2021). Shackan Indian Band and Xwisten First Nation: Reinstating cultural burning practices. Institut de prévention des sinistres catastrophiques.
- Moritz, M. A., Batllori, E., Bradstock, R. A., Gill, A. M., Handmer, J., Hessburg, P. F., … Syphard, A. D. (2014). Learning to coexist with wildfire. Nature, 515(7525), 58-66.
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- Safford, H. D., Schmidt, D. A. et Carlson, C. H. (2009). Effects of fuel treatments on fire severity in an area of wildland-urban interface, Angora Fire, Lake Tahoe Basin, California. Forest Ecology and Management, 258(5), 773-787.
- Stocks, B. J. et Martell, D. L. (2016). Forest fire management expenditures in Canada: 1970-2013. Forestry Chronicle, 92(3), 298-306.
- Your Forest Podcast. (s. d.). Good Fire Podcast – List.