Table des matières 6.0 Stress sur la forêt urbaine

Bardekjian, A. et Puric-Mladenovic, D. (2025). Insectes et maladies. Dans Cultiver des villes vertes : Guide pratique de la foresterie urbaine au Canada. Arbres Canada. Repéré sur le site Web d’Arbres Canada : https://arbrescanada.ca/guide-foresterie-urbaine/insectes-et-maladies/

Gros plan sur des taches brunes sur des feuilles d’arbres causées par la mineuse du marronnier (Cameraria ohridella) dans un parc.

Points saillants

Définitions clés

Espèces indigènes, exotiques et envahissantes.

Effets

Répercussions négatives des ravageurs envahissants et des maladies.

Gestion et atténuation

Surveillance, pratiques culturelles, régulation biologique et chimique, sensibilisation du public et conversation de la biodiversité.

Les arbres en milieu urbain sont confrontés à des stress abiotiques et liés aux changements climatiques, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux insectes et aux maladies (Atlas climatique du Canada, s. d.). Comme les changements climatiques entraînent des températures plus élevées et des conditions plus sèches, on s’attend à ce que la vulnérabilité des forêts urbaines à ces menaces augmente [Voir le chapitre Qualité de l’air et changements climatiques]. Bien que de nombreuses espèces d’insectes indigènes contribuent positivement à la biodiversité et aux écosystèmes urbains, d’autres, indigènes ou non, peuvent causer de graves dommages aux forêts urbaines. Ces insectes peuvent faire perdre leurs feuilles aux arbres, aspirer leur sève, faire des trous dans leur écorce, transporter des maladies, affaiblir les arbres et mener à la mort de l’arbre et à des conséquences coûteuses à gérer.

Les insectes et les maladies qui touchent les forêts au Canada peuvent être classés en trois grandes catégories : les espèces indigènes, exotiques et envahissantes (RNCan, 2023). Les espèces envahissantes, qu’elles soient indigènes ou exotiques, sont des espèces qui se propagent au-delà de leur portée connue habituelle et qui sont capables de causer des dommages environnementaux ou économiques. Le dendroctone du pin ponderosa, qui a étendu sa portée de la Colombie-Britannique à l’Alberta, est un exemple d’insecte indigène qui a un comportement envahissant (RNCan, 2024a). Les invasions d’espèces indigènes ont lieu périodiquement et peuvent être graves comme dans le cas de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana) ou du dendroctone du pin ponderosa (Dendroctonus ponderosae). Les insectes exotiques ont été introduits au Canada et deviennent souvent des ravageurs qui envahissent de nouveaux hôtes et écosystèmes. Parmi les exemples notables, on peut citer l’agrile du frêne (Agrilus planipennis), qui a considérablement touché les populations de frênes (Fraxinus spp). Les espèces de coléoptères propagent principalement la maladie hollandaise de l’orme (MHO). La MHO, qui inclut des pathogènes fongiques (Ophiostoma novo-ulmi, une souche plus agressive et Ophiostoma ulmi) a déjà dévasté des ormes (Ulmus spp) dans l’Est de l’Amérique du Nord et pose une menace pour cette espèce partout au Canada (Gouvernement de la Saskatchewan, s. d.).

Les ravageurs et maladies entraînent des dommages économiques et écologiques et touchent le tissu social des collectivités en altérant les paysages et en réduisant la valeur esthétique des zones urbaines. Des stratégies de gestion et d’atténuation efficaces, y compris la surveillance, les pratiques culturelles, les mesures de régulation biologique et chimique, la sensibilisation du public et la promotion de la diversité, sont essentielles pour protéger ces précieuses forêts urbaines et s’assurer qu’elles continuent de contribuer à la santé et au bien-être des villes canadiennes.

Insectes

Historiquement, les villes canadiennes ont été confrontées à plusieurs défis importants liés à des insectes ou des maladies qui ont eu de profondes répercussions économiques et environnementales. L’agrile du frêne (AF), détecté pour la première fois au Canada en 2002, est l’un des ravageurs les plus destructeurs d’Amérique du Nord. Il a tué des millions de frênes en Ontario, au Québec et dans d’autres régions, ce qui a entraîné des pertes économiques conséquentes (RNCan, 2024b) [Voir le chapitre Valeur économique et évaluation des arbres]. Par exemple, la Ville de Windsor, en Ontario, a dû abattre plus de 10 000 frênes, un changement drastique pour le paysage urbain et une augmentation des coûts de gestion pour la municipalité (Arnberger et al., 2017). La Ville de Montréal a également dû faire face à de graves répercussions : l’abattage d’arbres à grande échelle a perturbé les zones récréatives et a entraîné des coûts élevés de traitement, de remplacement et d’abattage, ce qui souligne les effets économiques et sociaux plus larges des infestations de ravageurs (Ville de Montréal, 2023). On estime que le seul effet de l’AF sur l’économie devrait coûter aux municipalités canadiennes deux milliards de dollars en traitements, remplacement et abattage d’arbres dans les prochaines décennies (RNCan, 2018; Vogt, Hauer et Fischer, 2015).

Le longicorne asiatique (Anoplophora glabripennis), repéré à Toronto en 2003, pose une menace importante pour les feuillus en milieu urbain (Haak et al., 2009). Il tue les arbres en creusant des trous dans leur tronc et leurs branches, détruisant ainsi leur structure. Les efforts visant à éradiquer le longicorne à Toronto sont notamment passés par l’abattage de plus de 25 000 arbres, ce qui a eu des conséquences sur la biodiversité locale et la valeur esthétique des espaces verts (Wilson et Smith, 2017). Ces populations de longicorne asiatique ont été éradiquées (RNCan, 2024a).

La spongieuse (Lymantria dispar) est un autre ravageur qui défolie différentes espèces d’arbres, ce qui les affaiblit et les rend vulnérables à d’autres stress. En 2020, le sud de l’Ontario a connu l’une des plus importantes invasions de spongieuse, ce qui a entraîné une défoliation et un stress importants des chênes (Quercus spp), des érables (Acer spp) et d’autres espèces d’arbres (Invasive Species Centre, 2024b). Le puceron lanigère (Adelges tsugae), un insecte envahissant, menace les forêts dans l’est du Canada, et les restes de forêts indigènes en milieu urbain. Il se nourrit des pruches (Tsuga canadeanis), causant leur déclin et à terme leur mort, ce qui peut entraîner des effets en cascade sur les écosystèmes forestiers (Dreistadt, Dahlsten et Frankie, 1990).

Maladies

La maladie hollandaise de l’orme (MHO), introduite au Canada au milieu du XXe siècle, a dévasté les populations d’ormes partout dans l’est et continue de se propager dans le pays (Gouvernement de la Saskatchewan, s. d.). Winnipeg, surnommée « la ville des ormes », a perdu des milliers d’ormes à cause de cette maladie fongique. La perte de ces arbres a non seulement réduit le couvert forestier, mais elle a également touché la valeur esthétique et culturelle de la ville (Hildahl, 1977). Le chancre du châtaignier, causé par le Cryphonectria parasitica, un champignon introduit d’Asie, a éradiqué les châtaigniers indigènes (genus Castanea) dans toute la zone carolinienne. Cela a réduit la biodiversité et modifié les communautés forestières, mais aussi touché la faune qui se nourrissait de châtaignes. Les maladies des arbres ont également des répercussions sur l’économie canadienne, en particulier dans les régions où ces espèces sont abondantes (Invasive Species Centre, 2024a).

Même si elle n’est pas encore très répandue au Canada, l’encre des chênes rouges, une maladie causée par un pathogène de mousse envahissante (Phytophthora ramorum), représente une menace importante pour les forêts urbaines canadiennes. L’introduction potentielle de cette maladie pourrait entraîner une vague de mortalité des chênes, ce qui affecterait grandement le paysage et la biodiversité des forêts urbaines dans les villes canadiennes (Braddy, 2023). Autre menace émergente récemment détectée en Ontario, le flétrissement du chêne est une maladie fongique causée par le Ceratocystic fagacearum qui bloque les vaisseaux des chênes qui transportent l’eau, ce qui entraîne leur flétrissement et leur mort. Ces maladies pourraient tuer des chênes à grande échelle, ce qui prouve la nécessité d’une surveillance minutieuse et de stratégies d’intervention rapide (Forest Pathology, 2024).

Stratégies de gestion et d’atténuation

Le déclin des espèces d’arbres indigènes au Canada en raison de ravageurs et de maladies a eu de nombreux effets négatifs et importants sur les forêts, la biodiversité, les fonctions écologiques et l’économie canadienne. Le déclin de populations d’espèces comme le châtaignier d’Amérique, le frêne noir (Fraxainus nigra) et la pruche contribue à la perte de diversité génétique des forêts urbaines, ce qui les rend plus vulnérables à de futures menaces. La gestion des répercussions des espèces envahissantes est coûteuse écologiquement et économiquement. Le coût écologique se traduit par la perte d’espèces, de biodiversité, d’habitat et de fonctions écologiques et culturelles, tandis que le coût économique lié à la gestion et à la perte des services écologiques est également considérable (Crystal-Ornelas et al., 2021). Par exemple, les municipalités et les groupes de conservation en Ontario dépensent environ 50,8 millions de dollars chaque année pour gérer les espèces envahissantes (Invasive Species Centre, 2023). Les coûts liés aux répercussions et à la gestion de l’AF dans les rues urbaines pourraient atteindre près de 1,38 milliard de dollars d’ici 2035 (Hope et al., 2020).

La gestion et l’atténuation des infestations d’insectes et de maladies dans les forêts urbaines canadiennes nécessitent une approche complète qui intègre la surveillance, les pratiques culturelles, les méthodes de régulation biologique et chimique, la sensibilisation du public et la promotion de la diversité (Hotte et al., 2015). La surveillance et la détection anticipée sont l’une des méthodes qui s’appuient sur des inspections régulières et sur l’utilisation de pièges, ce qui est crucial pour la détection anticipée de ravageurs et une intervention rapide. Cette approche a été efficace pour gérer des ravageurs comme le longicorne asiatique et l’agrile du frêne à Toronto et à Montréal (RNCan, 2018; Ville de Montréal, 2023), car la détection anticipée et l’éradication ont stoppé la propagation de ces insectes envahissants. Le recours à des prédateurs naturels (régulation biologique) et l’application judicieuse d’insecticides (régulation chimique) peuvent également contribuer à gérer les populations de ravageurs. Par exemple, la réponse de Montréal face à l’agrile du frêne comprenait une combinaison d’abattage d’arbres, de mesures de régulation biologique et de sensibilisation du public pour limiter la propagation (Les amis de la montagne, 2022).

Les plans de gestion forestière urbaine de villes canadiennes ont pris en compte les difficultés liées aux espèces envahissantes, ce qui a permis de prévenir et gérer leurs effets. Par exemple, le plan de gestion stratégique de la Ville de Calgary comprend plusieurs stratégies de lutte contre les espèces envahissantes : détection anticipée et mesures de réaction, recherche et développement de nouvelles stratégies d’éradication, inventaires, prévention et sensibilisation de la collectivité et gestion intégrée des mauvaises herbes par l’utilisation de méthodes de contrôle biologiques, chimiques et culturelles afin d’éliminer les espèces envahissantes prioritaires ou d’empêcher leur propagation. De plus, le plan reconnaît que l’entretien de la santé des arbres grâce à des méthodes appropriées (arrosage, paillage, élagage et autres pratiques culturelles) augmente la résilience des arbres face aux ravageurs et aux maladies [Voir le chapitre Entretien des arbres].

Abattre et éliminer correctement les arbres et plantes infectés et infestés est essentiel pour prévenir la propagation des ravageurs et des maladies. Les quarantaines fédérales et les initiatives locales, comme la zone « sans frêne » dans le sud-ouest de l’Ontario, ont ralenti la propagation de ravageurs comme l’agrile du frêne (RNCan, 2018; MacFarlane et Meyer, 2005). Sensibiliser la population à la santé des forêts urbaines et l’impliquer dans les efforts de surveillance sont également des méthodes essentielles pour gérer efficacement les ravageurs et les maladies. Les campagnes de sensibilisation du public dans des villes comme Montréal et Toronto ont été indispensables pour endiguer la propagation de ravageurs comme l’agrile du frêne ou le longicorne asiatique (Les amis de la montagne, 2018). Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario souligne également l’importance de pratiques intégrées de gestion des ravageurs qui se concentrent sur des méthodes culturelles et de prévention (OMAFRA, 2012). Enfin, promouvoir les espèces et la diversité génétique dans les forêts urbaines réduit le risque de dommages considérables liés à un seul ravageur ou une seule maladie. Cette stratégie est importante pour atténuer les effets des espèces envahissantes comme la spongieuse et l’encre des chênes rouges, mais aussi pour d’autres espèces d’arbres et pour la gestion des forêts urbaines en général (Braddy, 2023).

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