Les mystères des rouages de nos arbres et de nos forêts suscitent la fascination des amoureux de la nature comme des chercheurs. Cela est peut-être encore plus vrai que jamais aujourd’hui, alors qu’il est désormais communément admis que les arbres à travers la planète constituent une force silencieuse, mais puissante en matière de régulation des principaux gaz à effet de serre.
Tout commence lorsque les arbres capturent du carbone dans l’atmosphère à travers les stomates des feuilles et l’utilisent dans le cadre de leur processus de photosynthèse. Au sein des feuilles des arbres, l’énergie solaire, le dioxyde de carbone et l’eau sont convertis en oxygène et en glucose. Ce glucose est ensuite transformé en amidon et en cellulose qui constituent les éléments de base pour la création, la croissance et la réparation des cellules. Le carbone absorbé dans l’atmosphère par les arbres est incorporé à leur structure : dans le bois, dans les feuilles et dans les racines qui constituent sa forme si unique. Au fil du temps, les feuilles, les branches et à terme l’ensemble des arbres tombent au sol : une partie du carbone contenu dans leur structure est alors incorporée et stockée dans la couche du sol, tandis qu’une autre partie retourne dans l’atmosphère via la décomposition. La séquestration de carbone désigne le processus d’absorption et de stockage du carbone dans les arbres et dans les sols.
Alors que dans d’autres parties du globe, les arbres réalisent activement leur photosynthèse et participent à la séquestration du carbone tout au long de l’année, dans la majeure partie de l’hémisphère nord, ils entrent dans une période de dormance en dehors de la saison de croissance. Déclenchée par des conditions environnementales telles que des changements dans la durée des journées et dans les températures, la dormance se traduit par un ralentissement, voire un arrêt complet de la consommation énergétique et de la croissance (1). Comme l’hibernation pour les animaux, la dormance constitue une période de repos pour les arbres et une défense importante face aux rudes conditions hivernales.
Au Canada, la durée de la saison de croissance et par conséquent celle de la période de dormance varient selon la région en fonction des conditions géographiques et environnementales. Par exemple, la saison de croissance dans le climat tempérée de la côte du Pacifique (141 à 160 jours) est plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus longue que celle de la forêt du Nord-Ouest des Prairies (101 à 120 jours) (2).
De façon intéressante, des chercheurs ont découvert que les racines continuent à pousser lorsque les températures souterraines se maintiennent au-dessus de 0 °C. On pense que cette capacité à continuer à pousser en sous-sol durant l’hiver contribue à protéger les conifères de la sécheresse et prépare les arbres à entrer dans la saison de croissance plus chaude à l’arrivée du printemps (3).
Ainsi, même si le reste de l’arbre est dormant, il est probable que les systèmes racinaires poursuivent leur croissance de manière minimale durant l’hiver, certainement à l’aide du glucose provenant du printemps et de l’été précédents. Pour qu’un arbre absorbe réellement du CO2, il faut que ses feuilles réalisent la photosynthèse. Toutefois, comme on peut l’observer dans nos parcs et dans nos rues, les branches sont généralement recouvertes de neige pendant la période de dormance. Si une quantité de carbone peut être stockée via la conversion de réserves existantes de glucose, la nouvelle séquestration de carbone nécessite un processus de photosynthèse qui a lieu quasiment entièrement pendant la saison de croissance.
L’effet de cette variabilité saisonnière en matière de séquestration du carbone ne doit pas être sous-estimé! En réalité, il a des conséquences sur les concentrations en CO2 de l’atmosphère au niveau mondial comme le montre la célèbre courbe de Keeling. Cette courbe indique clairement les fluctuations saisonnières de la respiration des forêts du nord lorsque les niveaux de CO2 augmentent pendant l’hiver dans l’hémisphère nord (qui regroupe la majorité des terres et du couvert forestier), puis diminuent au printemps et en été avec des pics de respiration dus à la photosynthèse des plantes (4).
Si la réponse à la question de la séquestration du carbone en hiver n’est pas évidente, il est indéniable que nos arbres du nord passent à l’action aux premiers signes du printemps avec un impact mondial immense!
Références
- Singh et al. (2016) https://www.researchgate.net/publication/311247583_Photoperiod-_and_temperature-mediated_control_of_phenology_in_trees_-_a_molecular_perspective (en anglais seulement)
- Ressources naturelles Canada https://www.rncan.gc.ca/sites/www.nrcan.gc.ca/files/forest/saison-croissance_1951_2010_3000.jpg
- https://northernwoodlands.org/articles/article/what_do_tree_roots_do_in_winter (en anglais seulement)
- https://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/ (en anglais seulement)
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